Quand on traverse la Basse-Navarre du nord au sud, entre Hasparren et Saint-Jean Pied de Port par exemple (pour donner des repères connus), on a le Massif d'Iraty qui ferme l'horizon, accrochant ce jour-là les nuages, servant de ligne de démarcation entre la France et l'Espagne.
La route sinueuse serpente au milieu d'un moutonnement de collines dont l'altitude avoisine les 500 mètres, et les fonds de vallée quelques 300 mètres plus bas en moyenne.
Nous sommes dans un environnement de "verts" , développés grâce à l'influence océanique, et qui n'ont pas été altérés par l'été : prairies, champs de maïs, haies arborées, étendues de fougères, vignes qui produiront de l'Irouléguy, ce vin basque réputé...
Filant toujours en direction du sud, notre route va croiser les chemins de Saint-Jacques convergeant vers Saint-Jean Pied de Port, ville-étape incontournable, et va suivre la vallée de Mendive parcourue par la rivière du Laurhibar.
Elle va traverser quelques petits villages aux caractéristiques maisons blanches aux encadrements rouges ou verts, et se faufiler au milieu des fermes devenant de plus en plus dispersées.
En fond de vallon, la pente va subitement s'accentuer, absorbée par une série de lacets, avec en général dans le premier des cochons en vadrouille qui n'hésitent pas à faire une petite sieste couchés sur le goudron !
Une petite halte au niveau de la quatrième épingle permet d'admirer le paysage que l'on vient de parcourir, et qui disparaîtra rapidement de notre vue.
La route va sortir provisoirement de la forêt pour passer en ligne de crête à hauteur des cols d'Haltza et d'Haritzcurutché (782 et 784 m.). Une aire de stationnement permet d'y faire une halte, et pour les cyclistes faisant l'ascension d'y reprendre leur souffle...
De là on a une magnifique vue sur les pâturages qui tapissent les versants, et sur la petite vallée du ruisseau (Erréka) Harrigorrizolako qui se trouve à nos pieds.
On la domine parfaitement en entièrement, et constitue un ensemble très agréable : de chaque côté du cours d'eau, quelques 300 mètres en contrebas, quelques bordes (petites fermes) accueillent les bergers en été.
Les pâturages sont abrupts (c'est très souvent le cas au Pays Basque), et le fond du vallon vient buter sur une falaise rocheuse escarpée. Au-dessus, on devine les cabanes implantées au pied de l'Iraukotuturru (1 091 m).
Reprenons la route qui poursuit sur la crête et offre de magnifiques paysages verdoyants, oblige souvent à slalomer au milieu des troupeaux qui se la sont appropriée, pour escalader le dernier ressaut par une nouvelle série de virages resserrés.
Entre forêt à l'est et estives à l'ouest, nous atteignons à 1 135 m le col de Burdincurutcheta (et on est prié de bien retenir tous les noms cités, il y aura interro à la fin !...).
Face au levant, on découvre un superbe panorama sur le massif des Arbailles (qui se trouve dans la région voisine de la Soule), secteur karstique difficilement pénétrable.
En contrebas, se dévoile la cuvette d'Iraty (dominée au fond par le Pic D'Orhy - 2 017 m), tapissée d'immenses forêts, et dans laquelle on aperçoit les premiers cayolars (cabanes d'altitude des bergers).
Franchi le col, la route descend à flanc de montagne et dégage de belles vues sur une partie de la forêt. Le fond du vallon est occupé par un lac artificiel autour duquel se regroupent fréquemment troupeaux et touristes. Formé par les eaux provenant des deux ruisseaux descendant des deux cols qui limitent cette vaste cuvette, cette retenue agrémente joliment cet espace très vivant en saison.
Nous sommes dans le secteur de Cize (du nom d'un des 2 syndicats communaux qui gèrent la forêt), où se regroupent gîtes et auberges, salle d'exposition et aire pour campings-cars.
Une table d'orientation domine ce superbe recoin d'Iraty et facilite la lecture du paysage, et notamment la complémentarité entre bois et pâturages.
Le ruisseau qui s'échappe de ce barrage prend maintenant le nom d'Iraty (Iratiko sur les cartes). Il s'écoule en fond de vallée sur 5 ou 6 km, avant de poursuivre son cheminement en Espagne où une grande retenue isolée dans un magnifique cadre forestier est aménagée sur son cours.
Il est l'une des rares rivières qui n'obéit pas à l'une des règles définies lors du Traité des Pyrénées (en 1659) pour définir l'emplacement de la frontière franco-espagnole, à savoir que le bassin d'un cours d'eau devait être rattaché au pays dans lequel il se jette.
C'est un ruisseau réputé pour ses truites, et une échelle à poissons a même été installée afin qu'elles puissent remonter la cascade située au niveau du Chalet Pedro (une bonne table incontournable si vous passez dans le coin...).
Il est longé sur la partie française par une route "en cul de sac" prise d'assaut l'été par les gens à la recherche de fraîcheur... ou de champignons.
Si au lieu de descendre vers le sud depuis le barrage de Cize on se dirige vers l'est, la route s'élève au milieu des bois et après quelques lacets atteint le col Bagargiak (1 327 m).
Nous nous trouvons maintenant dans le secteur géré par la Commission de Soule, qui a implanté une cinquantaine de chalets en bois de toutes tailles et de toutes formes au milieu des arbres ou en bordure d'estive : les Chalets d'Iraty.
Situés à proximité des sentiers de randonnée qui sillonnent la montagne basque (et qui deviennent l'hiver venu pistes de ski de fond), agrémentés par de petits lacs bucoliques, ils sont parfaitement intégrés dans le paysage, de sorte que les troupeaux n'hésitent pas à venir brouter à proximité...
Les pâturages, qui se développent essentiellement sur les crêtes au-dessus de la forêt, accueillent de mai à octobre de nombreux troupeaux : chevaux, vaches, moutons. Ce sont les brebis qui, avec plus de 15 000 têtes, constituent la population animale la plus importante.
Même si son usage a tendance à se restreindre, les bergers vivent dans des cayolars, cabanes d'altitude souvent rudimentaires implantées à proximité des estives.
Le percement de pistes et les nouvelles technologies ont amélioré les conditions de vie traditionnelles des éleveurs, qui autrefois fabriquaient le fromage (Ossau-Iraty, bien sûr...) dans ces cayolars.
La forêt d'Iraty constitue dans son ensemble la plus grande hêtraie d'Europe. Sur ses 17 300 hectares, seules 2 310 ha sont situés en France, la majorité se trouvant donc sur le versant espagnol.
La configuration particulière de ce relief très tourmenté a rendu la forêt d'Irtay longtemps inaccessible. En effet, la route qui la dessert n'a été aménagée qu'en 1964, après un siècle de gestation !
L'exploitation du bois est donc restée pendant longtemps limitée et artisanale. C'est au XIXème siècle que les coupes prennent leur essor, afin d'alimenter les forges basques. Un câble de 13 km est installé au début du XXème siècle entre Iraty et la scierie implantée dans la vallée afin de descendre les grumes...
Malgré son isolement, le site a été occupé très tôt (notamment pour la qualité de ses pâturages), et de nombreux vestiges proto-historiques jalonnent Iraty. Nous partirons donc ci-dessous à la découverte des cromlechs d'Okabé...
Les cromlechs sont des cercles de pierres levées dont on trouve plusieurs sites dans divers points des Pyrénées en général, et au Pays Basque en particulier, aussi bien sur le versant français qu'espagnol. Ces monuments mégalithiques sont d'origine préhistorique ou protohistorique. Beaucoup de mystères les entourent, car les scientifiques qui les étudient ne disposent notamment d'aucune source écrite...
Le sommet d'Okabé (ou Occabé - 1456 m) domine le secteur français occidental d'Iraty ; c'est celui que l'on aperçoit sur la gauche de la photo au second plan, sous un ciel d'orage, surplombant le col de Burdincurutcheta (1135 m), qu'emprunte la route montant de Saint-Jean Pied de Port...
Il existe de nombreux sentiers conduisant au site d'Okabé, et nous allons emprunter celui qui part du col d'Oraaté, à proximité de cayolars, ainsi que l'on surnomme au Pays Basque ces cabanes de bergers disséminées dans la montagne...
La forêt d'Iraty est la plus grande hêtraie d'Europe (17 300 hectares), dont la majeure partie se situe en territoire espagnol. Au fond de la vallée que l'on aperçoit au centre sur le cliché coule la rivière Iraty qui se dirige vers l'Espagne toute proche de là (quelques kilomètres)...
Le départ de la balade s'effectue depuis une petite esplanade herbeuse surplombant le cayolar d'Oraaté. Les versants du mont Okabé sont généreusement couverts de landes dans lesquelles abondent fougères et calunes. On distingue sur les hauteurs quelques blocs rocheux qui ont dû servir pour l'édification des cromlechs...
Le parcours s'enfonce rapidement sous une sympathique couverture forestière, très appréciable par grosse chaleur, constituée par le haut de la forêt de Nequecharre. Ces magnifiques hêtraies d'Iraty sont bien conservées car elles sont longtemps restées inaccessibles et donc peu exploitées...
Au débouché de la forêt, on peut bénéficier d'un vaste panorama sur les pâturages des montagnes basques. Ces immensités vertes ont accueilli des troupeaux (vaches, brebis, chevaux) depuis que l'homme a mis en place l'élevage. Le fond de vallée abrite les cayolars d'Archilondo et leurs parcs pour la traite...
La balade se poursuit maintenant au milieu des pâturages, sur une piste pastorale caillouteuse, souvent ravinée par les averses qui s'abattent fréquemment sur ce secteur (le pays basque est une région très arrosée, d'où cette verdure estivale). A noter les fils barbelés qui entourent les piquets de balisage afin que les animaux ne s'y frottent pas...
Arrivés sur le plateau, un premier (et modeste) cromlech apparaît au centre d'une large boucle qu'effectue le chemin : à droite, notre piste d'arrivée et à gauche la même piste qui part à l'assaut de l'Okabé.
C'est en 1924 que fut effectuée la première fouille de ces tombes protohistoriques, 17 ayant été repérées à l'époque sur le plateau d'Okabé. De nouvelles prospections à la fin des années 60 en ont répertorié 26...
Les cromlechs se trouvent à côté du GR 10, ce sentier qui traverse toutes les Pyrénées d'est en ouest, alors que l'on devine au fond le Pic d'Orhi, premier 2000 pyrénéen côté Atlantique. Les vastes pâturages d'Okabé se sont trouvés de tous temps à un point de convergence d'un dense réseau de pistes pastorales, à proximité de la Voie Romaine des Ports de Cize.
Situé au coeur d'un important ensemble archéologique aussi bien par le nombre inégalé de ses monuments que par la majesté du cadre, Okabé peut être considéré comme une nécropole sacrée, haut lieu de la protohistoire en pays basque...La solitude grandiose du site, son éloignement de tout endroit habité, ses difficultés d'accès autrement qu'à pied ont protégé ces vestiges, même si des fouilles clandestines y ont été constatées.
Les fouilles entreprises ont fait apparaître au centre des cercles un dallage de pierres enseveli sous une trentaine de cm de terre végétale, ainsi que des particules de charbon de bois et de cendres noires.
On suppose donc que l'on disposait au coeur de ces cromlechs les cendres de personnes décédées après leur crémation, soit dans une urne, soit à même le sol..
Le cromlech le plus remarquable de la zone est constitué d'une quarantaine de pierres émergeant du sol de 10 à 90 cm, assemblées en un cercle de 7 m de diamètre. Deux de ces blocs de grès, les plus gros, véritables monolithes, ont été érigés selon un axe précis : NO-SE.
Depuis le site, un autre superbe panorama dirigé vers le nord-est s'offre au randonneur. Il illustre parfaitement l'âpreté du relief des montagnes basques, succession de vallées encaissées et de versants escarpés. Au fond, la barre rocheuse qui surplombe la forêt des Arbailles...