Dans la Réserve Géologique
de Haute-Provence
Digne les Bains
Digne (17 868 habitants - 608 m d'altitude), préfecture du département des Alpes de Haute-Provence, est située en bordure des Préalpes et s'étend dans la plaine formée par la Bléone. Son affluent dominé par la vieille ville, le torrent des Eaux-Chaudes, compte 8 sources utilisées par le thermalisme.
Entourée de montagnes, implantée dans un cadre naturel agréable, elle possède un centre de géologie (sur lequel nous reviendrons en fin d'article) et constitue le point de départ idéal pour découvrir la partie de la Réserve Géologique de Haute-Provence localisée dans la vallée du Bès...
La Réserve Géologique de Haute-Provence
Cette réserve géologique, la plus grande d'Europe, constitue un véritable musée à ciel ouvert. S'étendant essentiellemnt dans les Alpes de Haute-Provence mais aussi dans le Var, elle a été créée en 1984, elle concerne 59 communes et est labellisée par l'UNESCO.
Elle a pour but de protéger et de valoriser le patrimoine géologique, d'en développer sa connaissance, de sensibiliser les publics aux sciences de la Terre tout en contribuant au développement du secteur...
La dalle à ammonites
Seulement quelques hectomètres après la sortie de Digne, sur la rive droite de la Bléone, nous rencontrons le site le plus célèbre de la Réserve : la dalle à ammonites. Sur 320 mètres-carrés on compte plus de 1550 ammonites de toutes tailles, dont les plus grandes ont un diamètre de 70 cm !
Les coquilles de ces ammonites se sont accumulées sur un ancien fond marin, ont été recouvertes par d'épais sédiments et au cours de millions d'années elles se sont transformées en roches et en fossiles. C'est le soulèvement de la chaîne alpine qui a hissé cette dalle à 630 m d'altitude et l'a mise à nu...
La dalle à ammonites
Les ammonites ne sont connues qu'à l'état de fossiles : elles ont vécu durant l'ère secondaire et ont disparu il y a 65 millions d'années en même temps que les dinosaures. Elles sont des proches parents des nautiles actuels : leur coquille évoque celles des escargots, et possédaient de gros yeux et des tentacules.
D'autres fossiles y côtoient les ammonites : bélemnites, lamellibranches, nautiles ou pentacrines (étoiles de St-Vincent). Cette dalle appartient au jurassique inférieur, et date environ de 200 millions d'années. Sa renommée dépasse les frontières de la région : une copie de cette dalle existe au Japon dans un musée à Kamaishi...
Le Bès
Peu après le site de la dalle aux ammonites, nous abandonnons la Bléone pour remonter le long de son principal affluent : le Bès. Celui-ci prend sa source au pied du Pic des Têtes (2661 m), et mesure 38,8 km de long.
Après avoir eu un cours très encaissé (comme nous allons le voir dans la suite de la visite), sa vallée s'évase au niveau de sa confluence : les larges lits de galets envahis par quelques bouquets d'arbustes illustrent bien le caractère torrenciel de tels cours d'eau, notamment au printemps lors de la fonte des neiges...
Les robines
En approchant du village de La Robine sur Galabre, d'étranges collines apparaissent sur le bord de la route ; on les appelle justement des robines. Ce sont des pentes ravinées formées de marnes noires.
Ces roches sédimentaires ont été déposées au fond des mers à l'ère secondaire ; elles abritent de nombreux fossiles (ammonites, algues, végétaux) et l'érosion joue un grand rôle dans leur configuration. Ce mélange argilo-calcaire peut prendre des colorations variant du beige au noir le plus intense...
L'ichthyosaure fossile de La Robine
C'est justement en traversant un tel paysage de marnes noires et de calcaires que l'on accède après environ trois-quarts d'heure de marche au site de l'ichthyosaure fossile. Le squelette de ce reptile marin a été conservé sur l'emplacement même de sa découverte.
Ce type de préservation et d'exposition est actuellement unique en Europe : on a protégé ce vertébré fossile sous des plaques de plexiglas transparentes (d'où la dominante bleutée des photos) à l'endroit précis où il s'est fossilisé...
L'ichthyosaure
L'ichthyosaure était l'un des reptiles marins les plus impressionnants ; son nom provient du grec "ikhthus" poisson et "sauros" lézard. La forme de son corps, très hydrodynamique, rappelle celle du dauphin. Il pouvait atteindre 15 m de long.
Il se déplaçait rapidement grâce à ses palettes natatoires, son aileron dorsal et sa queue. Il était obligé de remonter régulièrement à la surface pour respirer. Les femlles ne pondaient pas : elles conservaient leurs oeufs jusqu'à l'éclosion...
L'ichthyosaure fossile de La Robine
Les ichthyosaures ont disparu vers la fin de l'ère secondaire, il y a environ 90 millions d'années, soit avant l'extinction des dinosaures. L'ichthyosaure fossile de La Robine est âgé d'environ 185 millions d'années.
Après sa mort, il a été recouvert d'une boue gorgée d'eau et d'un voile bactérien qui a protégé son squelette. Ensuite cette boue s'est chargée en roche et le squelette fossilisé prisonnier de la gangue rocheuse a été conservé...
Le Bès
En remontant la rivière, la vallée du Bès se rétrécit considérablement, et le cours d'eau doit se frayer un passage au milieu de dalles rocheuses qui se hérissent perpendiculairement à l'axe du courant.
Nous sommes loin des larges plages de galets qui bordaient le Bès en amont de sa confluence avec la Bléone : le fond de vallée est ici juste assez large pour accueillir le torrent et la route ! Et plus haut, la gorge va se resserrer encore...
Les empreintes de pas d'oiseaux
Quelques 6 km après le parking d'accès au site de l'ichthyosaure, nous arrivons à proximité d'une nouvelle curiosité géologique : les empreintes de pas d'oiseaux. En quelques minutes, un sentier conduite à l'emplacement de cette ancienne plage.
Comme pour l'ichthyosaure, les dalles comportant les empreintes ont été laissées à l'endroit même de leur découverte, et protégées par de nouvelles plaques de plexiglas...
Les empreintes de pas d'oiseaux
Il y a 20 millions d'années, un bassin marin recouvrait la région formant un golfe dans la région dignoise. Sur ses plages, faites de sable fin arraché au relief des Alpes naissantes, des petits échassiers (proches des pluviers actuels) sont venus à marée basse marcher sur le sable mouillé.
C'est alors que c'est opéré un durcicement précoce du sédiment, dû sans doute à la présence d'un voile bactérien. Le sable mêlé de grains de quartz et lié par un ciment calcaire s'est transformé en grès tout en conservant ces empreintes...
Le vélodrome d'Esclangon
A proximité du site des empreintes, un sentier monte en lacets dans les terres rouges et conduit jusqu'au Serre d'Esclangon (1151 m). Du sommet, un panorama s'ouvre sur le "vélodrome" : il s'agit d'un pli synclinal de près de 3 km de long s'apparentant à une portion de piste de vélo. En son milieu, on devine la Lame de Facibelle, une étroite arête de pierre verticale et allongée.
Le vélodrome d'Esclangon est un site de renommée mondiale qui draîne de nombreux géologues de toutes nationalités. C'est un grand pli couché déversé vers le sud, formé à la fin de l'ère tertiaire. Il est constitué de molasses composées essentiellement de sables, grès et conglomérats...
La clue de Pérouré
En redescendant d'Esclangon, le sentier dévoile la Clue de Pérouré (appelée aussi Péroué ou Péouré) : une clue (mot issu du latin "clausus" et signifiant "fermé") est ici une gorge étroite taillée par la rivière dans des bancs verticaux de calcaires.
Le Bès a entaillé une puissante barre calcaire datant de la fin du jurassique (-141 à -130 millions d'années). Cet ensemble de couches est coupé trois fois par la rivière car il a été plissé et déformé lors de la surrection des Alpes.
La clue de Pérouré
Au niveau de la clue, un pont permet de franchir la gorge étroite où coule le Bès et on enchaîne ensuite avec un tunnel pour traverser la barre rocheuse. En randonnant, j'ai été intrigué par une espèce de grande nasse en bois accrochée à la falaise, et qui m'a fortement intrigué !
Après recherche ardue, il s'agit d'une oeuvre artistique réalisée par des étudiants des Beaux-Arts ! Ces artistes ont voulu laisser une trace éphémère dans la nature, à l'image d'Andy Goldsworthy qui a travaillé, entre autres coins du monde, dans le pays dignois avec la terre, la pierre, les cailloux de la rivière et les grandes herbes des champs...
La source de Fontchaude
En poursuivant vers le nord, on atteint la source de Fontchaude qui, comme son nom l'indique, reste à température constante tout au long de l'année ce qui l'empêche de geler en hiver. De nombreux Dignois viennent toujours y remplir bouteilles ou bonbonnes.
Cette particularité est due au fait que les eaux qui l'alimentent circulent suffisamment en profondeur dans un réseau karstique, puis jaillissent à l'air libre à la faveur d'une faille. La source apparaît au pied d'une grande barre calcaire striée de couches marneuses...
Les courants marins
La région de Digne est réputée pour abriter dans un secteur limité un condensé de l'histoire des Alpes du début du jurassique jusqu'au tertaire : ouverture de l'océan alpin (-180 millions), approfondissement (crétacé), puis fermeture lors de la collision ayant formé les Alpes (-45 millions).
Le site des courants fossiles se présente sous la forme d'une lame ondulée enchassant des petits galets et des fossiles de bélemnites. Il y a 130 millions d'années, de violents courants ont creusé des chenaux dans les boues marneuses ; ils ont été ensuite remplis par des sédiments et transformés en roche...
Les cheminées de fées
Dans un versant riche en éboulis, on aperçoit quelques cheminées de fées massives et trapues. Si elles n'ont pas la noblesse de celles que l'on rencontre un peu plus au nord dans le secteur de Serre-Ponçon (voir l'article correspondant), elles n'en suivent pas moins le même processus de formation.
Dans ces terrains morainiques, le ruissellement des eaux de pluie emporte les éléments instables à l'exception d'une colonne protégée par un gros bloc rocheux servant de "chapeau". Dans la région, on leur attribue le joli nom de "demoiselles coiffées"...
La clue de Barles
La clue (ou cluse) est un passage étroit que l'on trouve assez fréquemment dans les vallées des torrents de Haute Provence. L'érosion a dégagé des couloirs perpendiculaires au lit du torrent qui correspondent aux zones les plus fragiles où les couches sont moins épaisses.
Longtemps, les clues ont freiné les communications entre les hommes et ce n'est qu'à partir de la fin du XIXème siècle que l'on a vu des routes franchir ces verrous naturels. La clue de Barles, aussi appelée clue de Saint- Clément, du nom d'un hameau voisin, correspondant à la limite entre le Pays de Seyne en amont et celui de Digne en aval, soit la délimitation entre Alpes et Provence...
Le Saut de la Pie
Abandonnant la vallée du Bès pour remonter celle du Grave en direction du col du Fanget (1459 m) et de la ville de Seyne, nous rencontrons en contrebas de la route le Saut de la Pie, cascade jaillissant au pied de parois calcaires ressemblant à un millefeuille rocheux. Des plantes exceptionnelles y colonisent les falaises inaccessibles.
En 1953, au dessus de la cascade, des ouvriers ont découvert sous un rocher une quarantaine d'armes antiques datant du IVème siècle avant J.C. On ignore pour le moment la raison de ce stockage en ce lieu ; elles sont entreposées au musée de Digne les Bains...
Le centre géologique de Digne
Au début de l'article j'avais annoncé que je décrirais le musée-promenade qui présente notamment les principales étapes de l'histoire de la Terre en Haute-Provence. Or, cette rubrique présentant au final le quota de photos (une quarantaine) que peut supporter une page seule, je me vois obligé de repousser à plus tard cette présentation en y consacrant alors un article entier...
1 : Le Musée-Promenade - 2 : La dalle à ammonites - 3 : les robines - 4 : L'ichthyosaure fossile de La Robine - 5 : les empreintes de pattes & "vélodrome" - 6 : clue de Pérouré - 7 : clue de Barles - 8 : saut de la Pie
La clue de Barles
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