Pas de chance en cet après-midi de janvier 2008... Tous les sommets sont enveloppés de brouillard, il pleut à toute altitude et le risque d'avalanche est très marqué ! Il faut donc se rabattre sur les fonds de vallée : ce sera celle du Rioumajou, située entre Saint-Lary et Piau-Engaly.
Le départ s'effectue au village de Tramezaïgues (30 habitants - 950 mètres d'altitude), au pied des ruines de son château fort, construit au XIème siècle par le Comte d'Aure, qui commandait les débouchés des cols des environs et contrôlait le passage en vallée d'Aure.
La balade s'effectue sur la petite route qui parcourt le fond de la vallée, et qui est fermée à la circulation pendant tout l'hiver. En été, il est possible de l'emprunter avec des véhicules jusqu'au lieu-dit Frédancon (ou jusqu'à l'hospice pour ceux qui y sont hébergés).
Cette vallée est parcourue par la Neste du Rioumajou (en vallée d'Aure, tous les torrents sont baptisés nestes) qui naît sur les versants frontaliers des Pics d'Ourdissétou (2 597 m) et de l'Espade (2 832 m).
Après un parcours assez calme au milieu des pâturages d'altitude, cette Neste franchit de nombreux ressauts ou coule tumultueusement au fond de petits canyons resserrés lorsque la vallée se retrécit.
Cette vallée est très encaissée, et comporte sur ses versants de nombreuses zones avalancheuses. Lors des redoux, la neige accumulée sur les hauteurs des versants limitant le Rioumajou glisse dans les couloirs d'avalanche en emportant bois et rochers.
L'eau du torrent peut également monter très rapidement. Il y a quelques années, à la suite d'une crue soudaine, de nombreuses portions de route avaient été emportées et le Rioumajou n'était plus accessible qu'à pied pendant plus d'un an...
En raison de son étroitesse (il n'y a bien souvent la place que pour le torrent et la route), la moindre parcelle de fond de vallée était autrefois exploitée et quelques rares granges jalonnent son parcours.
Comme dans toutes les autres vallées de la région, la puissance de l'eau a été utilisée très tôt pour produire de l'électricité. C'est dans cette optique qu'a été construit en 1946 à mi-vallée le petit barrage du Rioumajou, créant une retenue de près de 60 000 m³ d'eau.
Cette eau est conduite par une galerie souterraine de 4 802 mètres de long jusqu'à la centrale hydro-électrique de Maison-Blanche, que nous avons laissée en contre-bas de la route au départ de cette balade.
La baisse de l'eau occasionnée par son turbinage provoque la cassure de la couche de glace qui recouvre le lac.
En amont de la retenue, sur la rive opposée, l'ancienne grange de l'Escalette devenue restaurant de montagne attend le retour des beaux jours pour proposer salades et grillades.
L'été, de nombreux estivants investissent ce secteur, à la recherche d'ombre, de pistes forestières et de fraîcheur.
Au fond de la vallée, au coeur des estives, se trouve l'ancien hospice du Rieumajou (qui accueillait jadis les pèlerins de St Jacques), maintenant transformé en refuge.
Il est le point de départ de nombreux sentiers de randonnée qui se dirigent pour la plupart vers les crêtes franco-espagnoles qui dominent le secteur.
2 : à l'hospice de Rieumajou, en été
En guise de mise en jambes, c'est à une balade tranquille que je vous invite aujourd'hui... Ou plutôt à une continuation : en effet, je vous en avais présenté la première partie, enneigée, effectuée en janvier (voir article ci-dessus)...
La vallée du Rioumajou démarre au village de Tramezaïgues (30 habitants), qui domine la route reliant Saint-Lary à l'Espagne, en haute Vallée d'Aure. Du château, il ne reste qu'un donjon carré du XIIIème s. entouré d'une enceinte crènelée restaurée au XVIIème...
Nous nous étions à l'époque arrêtés au barrage de l'Escalette, alors prisonnier de la glace, et c'est de là que nous allons repartir. On devine à gauche la petite auberge dont les parasols se mirent dans l'eau bleutée du lac...
En ce premier dimanche d'août, de nombreuses parsonnes ont envahi les berges de la Neste du Rioumajou à la recherche de fraîcheur dans ce cadre bucolique. Hamacs, chaises longues, couvertures ou herbe tendre accueillent pique-nique, lecture, sieste ou farniente...
A partir des granges de Frédancon, où différentes zones d'accueil ont été succinctement aménagées (parkings, bivouac, pique-nique), la piste que nous allons suivre est normalement interdite à la circulation des véhicules, hormis ceux des hôtes du refuge terminal...
Le chemin, qui longe en permanence le torrent, est entièrement bordé d'arbres, essentiellement des pins sylvestres. Parfois, une fenêtre dans la végétation permet d'apercevoir à l'est les sommets qui limitent la vallée, tel le Pic de Guerreys (2975 m)...
La première moitié du parcours s'effectue dans une gorge très resserrée : à droite le versant couvert de forêts est abrupt, et à gauche le torrent coule nettement en contre-bas de la piste. Son grondement continu est amplifié par les parois rocheuses torturées qui se muent en caisses de résonance...
Après 2 km environ, le vallon s'élargit quelque peu, et le cheminement s'effectue maintenant quasiment au niveau de la Neste du Rioumajou. La vue se dégage progressivement, et permet d'atteindre la crête rocheuse découpée qui délimite la vallée...
Le torrent offre toujours de magnifiques visages changeants : parfois languissant et apaisé, plus souvent virulent et tempétueux. Ses eaux limpides cascadent de vasque en bief, tourbillonnent dans les marmites, lèchent les roches érodées et lisses...
Eaux écumantes, pelouses verdoyantes, sapinières majestueuses, nature préservée : le paysage est splendide... Sa beauté et ses caractéristiques propres ont d'ailleurs valu à cette vallée d'être répertoriée il y a 5 ans "Natura 2000" : le site appartient à la haute chaîne primaire des Pyrénées, reposant sur des terrains sédimentaires fortement plissés et accidentés. Il est soumis à des crues torrentielles, et présente de nombreux secteurs avalancheux...
En approchant du but, l'espace s'ouvre encore, et l'on distingue maintenant les sommets frontaliers qui viennent fermer la vallée. Pourtant, malgré cette haute barrière, nous randonnons sur un chemin riche d'histoire et de passages... Car nous sommes ici sur l'ancienne Ténarèze, route pré-romaine, qui permettait de relier Bordeaux à l'Espagne sans franchir de pont ; plus tard, ce sont les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle qui l'ont parcouru ; et pendant la seconde guerre mondiale, les républicains espagnols l'ont emprunté à la recherche de la liberté...
Après une heure de marche environ, nous arrivons sur les vastes estives, ces pâturages aujourd'hui délaissés par les troupeaux qui se sont dispersés plus haut sur les pentes voisines, mais largement occupées en été par les touristes et aussi malheureusement par quelques voitures qui n'appartiennent pas toutes à des bergers locaux...
A l'ouest, au pied du Pic d'Arriouère (2865 m), se dresse le chalet-refuge du Rieumajou. Et, à première vue, il y a davantage de monde sous les parasols qu'à l'assaut des pentes avoisinantes !... Ce bâtiment implanté à 1560 m d'altitude, sans charme particulier sinon celui d'une construction de montagne, a pourtant une longue histoire derrière lui...
En effet, au Moyen-Age, il servait d'hospice aux pèlerins de Saint-Jacques qui effectuaient le trajet par cette vallée. Pour accueillir les voyageurs, il devait rester ouvert toute l'année (à l'exception des jours de Noël et de Pâques), et ses habitants devaient entretenir les chemins du secteur !... Rude tâche, quand à cette altitude ils étaient sous la neige les trois-quarts de l'année...
A proximité, les vestiges d'anciens parcs à bestiaux, illustrent bien la permanence tout au long des siècles de la tradition du pastoralisme dans cette vallée pyrénéenne (et ses voisines...). Malgré la haute barrière qui les sépare, les échanges avec l'Espagne toute proche existaient depuis la haute époque médiévale, et règlementaient l'utilisation réciproque de ces estives...
A proximité du refuge, une source d'eau fraîche permet de se réhydrater et de refaire le plein des gourdes avant de continuer vers les destinations proposées par le panneau attenant ! C'est surtout par les ports d'Ourdissétou et du Plan, à plus de 2400 m d'altitude, que s'effectuaient les passages de la frontière. Pendant la seconde guerre mondiale, du linge qui séchait à l'extérieur du refuge, signifiait pour les réfugiés espagnols que la voie était libre !...
La vallée du Rioumajou appartenait autrefois au Comte d'ARMAGNAC qui céda ses biens en 1457 aux communes de Saint-Lary, Sailhan et Bourisp.
Après 1789 la forêt devint la propriété des communes qui se partagèrent pâtures et forêts ; on retrouve encore certaines limites matérialisées par des bornes ou des rochers gravés d'une croix.