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Laquettes du Néouvielle

S'il n'y avait qu'une balade à effectuer dans les Pyrénées, ce serait celle-ci ! C'est en effet l'avis de la majorité des guides de randonnées qui la mettent en exergue : accessible au plus grand nombre, sans difficulté particulière, elle offre un enchaînement de coups de coeur. "Au festival du Néouvielle, le spectacle est dans la nature"...

Elle a pour cadre la haute Vallée d'Aure, dans les parages de Saint-Lary-Soulan qu'il faut traverser en direction de l'Espagne. Au niveau du village d'Aragnouet-Fabian, il faut quitter l'axe principal pour remonter le vallon de la Neste de Couplan. Route déjà empruntée pour accéder au départ de la balade vers le Lac de l'Oule décrite sur ce même site...

Cette route a été aménagée spécialement pour la construction du barrage de Cap de Long, dont nous allons apercevoir la digue au départ de la rando, entre 1947 et 1949 : un chantier phénoménal de plus de 7 années pour 3000 ouvriers, le tout à plus de 2000 mètres d'altitude !

Les jolis lacets des Édelweiss permettent de franchir un important ressaut avant d'atteindre notre point de départ qui se situe juste au-dessus...

... sur les rives du lac d'Orédon, à 1856 mètres d'altitude. A notre arrivée, les rayons de soleil matinaux éclairent l'agréable chalet-refuge merveilleusement situé. Construit à la fin du XIXème siècle en pierre de taille, il propose 80 places de couchage entre fin mai et fin septembre (c'est à dire pendant l'ouverture de la route d'accès qui est fermée dès les premières neiges)...

Sur cette photo prise depuis la route qui se termine au barrage de Cap de Long, on domine le lac d'Orédon dans son merveilleux écrin forestier...

On devine également le parking spécialement aménagé pour stocker en été la grande quantité de véhicules qui accèdent à ce secteur, ainsi que le départ de la route règlementée conduisant au pied du Néouvielle...

Le lac d'Orédon est à l'origine un lac naturel qui a été surélevé par une digue entre 1869 et 1884 pour l'irrigation de la plaine gersoise par l'intermédiaire du Canal de la Neste . Il couvre une surface de 46 hectares pour une profondeur maximale de 59 mètres.

L'itinéraire de la balade va longer le torrent que l'on devine en face au milieu du versant boisé...

Les eaux du lac avaient été utilisées dès le milieu du XVIIème siècle pour favoriser le flottage des radeaux sur la Neste coulant en aval. Grâce à une digue et un système de vannes, des lâchers d'eau étaient organisés à la demande pour transporter troncs de sapins (destinés à la marine royale) et marbres de Sarrancolin jusqu'à la Garonne, puis l'océan...

Vers l'amont, le lac d'Orédon est dominé par le pic de Hèche Castet (2566 m - à droite), et le Pic d'Estaragne (3006 m - à gauche).

Entre les deux, la digue du barrage de Cap de Long (101 m de haut) retient 67 millions de mètres-cubes d'eau destinées à la production hydroélectrique. Un autre site spectaculaire où nous reviendrons ultérieurement...

Le départ de la balade s'effectue sur un sentier quasi-horizontal tracé au milieu des éboulis qui longe la rive gauche du lac. Quelques trouées dans la végétation permettent de profiter du magnifique cadre naturel, pour peu de temps toutefois, mais ce qui va suivre sera amplement à la hauteur de ce que l'on quitte...

Cette randonnée, eu égard à sa beauté et à sa notoriété, attire de très nombreux estivants, et la configuation de l'endroit permet d'en adapter la durée aux désirs de chacun. Beaucoup de marcheurs partent dans la matinée à la recherche d'un coin idyllique pour casser la croûte, et ils n'auront aucun mal à en trouver un à leur convenance malgré la foule...

Après un petit kilomètre pratiquement plat, le sentier va maintenant zigzaguer dans la pinède de Loste, le long du torrent issu du déversoir des lacs que l'on va rencontrer en amont. La présence de troncs d'arbre dans son lit accidenté laisse imaginer la puissance développée par l'eau tumultueuse cascadant de rocher en marmite...

Alors que la forêt nous environne, même si parfois une petite fenêtre permet d'entrevoir le lac d'Orédon que nous venons de quitter, nous pouvons apprécier à sa juste valeur la pureté du milieu naturel dans lequel nous évoluons malgré le poids du sac à dos que la pente accentue progressivement...

Après quelques 45 minutes de marche dont une grande part en montée, la première récompense est essentiellement visuelle ! Entre les branches des pins la partie aval de la première laquette se dévoile : transparence des eaux due à une faible profondeur, palette de couleurs, harmonie du paysage... Nous nous trouvons à 2079 mètres d'altitude...

Quelques pas plus loin, la laquette se dévoile dans son intégralité, extraordinaire miroir d'un merveilleux paysage... Les sommets environnants s'y dédoublent magnifiquement : l'autre face du Hèche-Castet (déjà vu depuis Orédon) à gauche, et au fond la sentinelle incontournable du vallon, le pic de Ramoun (3011 m)...

Un sentier fortement piétiné permet de longer la rive gauche de cette première laquette. Chaque couple, groupe ou famille s'est approprié momentanément une petite partie de ce superbe paradis. Mais ceux qui restent en bordure immédiate du chemin doivent s'attendre à voir passer beaucoup de monde !...

Car ce petit coin d'éden facilement accessible est particulièrement fréquenté. De nombreuses sentes le sillonnent, et il est très agréable de musarder au milieu d'un parterre de gentianes, de pique-niquer à l'ombre d'un pin sylvestre, ou, pour les enfants, de jouer au bord de ces eaux cristallines...

Nous voici maintenant au pied de la deuxième (ou de la troisième) laquette... car quelques pointes de terre et de roche viennent pénétrer dans ces étangs et les scinder ainsi en plusieurs petits plans d'eau successifs, ce qui fait qu'il est difficile de savoir s'il s'agit d'un laquet indépendant... ou pas !...

Ici de toutes façons on ne peut pas se tromper, car un petit chenal entraîne le trop-plein d'eau du lac supérieur vers l'inférieur. Il n'y a certes qu'une toute petite différence de niveau entre la laquette la plus haute et la plus basse : 6 mètres seulement !...

Tout le parcours de cette randonnée se trouve à l'intérieur de la Réserve Naturelle du Néouvielle, l'une des premières réserves protégées créées sur le territoire français : en 1936. Elle constitue un prolongement du Parc National des Pyrénées (datant lui de 1967) qui la jouxte vers l'ouest...

En avançant vers le fond de ce dernier laquet, nous devinons sur la droite la digue du lac d'Aubert qui la surplombe. Si la rive gauche que nous parcourons est praticable par les randonneurs, il n'en est pas de même pour la droite encombrée de nombreux blocs rocheux et plus abrupte...

En prenant un peu de hauteur, nous avons une vue du vallon que nous venons de parcourir, dominé à l'arrière-plan par le Pic de Bugatet (2807 m). Les versants sont ici couverts essentiellement de pins sylvestres et tapissés de rhododendrons. Le sentier quant à lui se faufile au milieu des blocs de granit, provenant d'une ancienne moraine datant du "petit âge glaciaire" (entre les XIVème et XIXème siècles)...

Nous déambulons maintenant sur la digue du Lac d'Aubert (= le lac vert), dominé par le Massif du Néouvielle. A l'origine, celui-ci était un lac naturel fermé par un verrou glaciaire. Au début du XXème siècle, en raison de son intérêt, un barrage artificiel a permis d'augmenter considérablement le volume d'eau : 45 hectares pour 55 m de profondeur...

Sur sa rive gauche, on devine la cabane-refuge d'Aubert, qui n'est ouverte qu'en hiver (non gardée - 25 places en bas-flancs). En face, la crête montagneuse (Pic de Madamète - 2657 m ; Pic d'Estibère - 2663 m) sépare la Vallée d'Aure de la Vallée de Barèges-La Mongie située sur l'autre versant...

Le Lac d'Aubert, comme de nombreux autres lacs importants du secteur, est relié au grand barrage de Cap de Long (situé sur l'autre versant du Néouvielle) par un vaste réseau de galeries souterraines représentant plus de 40 km ! Cette infrastructure imposante est destinée à alimenter la centrale hydroélectrique de Pragnères (dans la vallée de Luz à Gavarnie)...

De nombreuses personnes ont pris possession des berges, mais toutes ne sont pas venues en randonnant. Il existe en effet une ancienne route qui aboutit jusqu'ici, fermée en été de 9 h 30 à 18 h 30, mais parcourue depuis le lac d'Orédon par des navettes qui déversent régulièrement leur lot de touristes...

L'arbre emblématique de la Réserve du Néouvielle est le pin à crochets, qui y bat des records d'altitude puisqu'on peut en trouver jusqu'à 2600 mètres ! Cet arbre qui bat également des records de longévité (certains, tordus et rabougris, sont quasi millénaires) est ainsi appelé car les écailles de son fruit sont en forme de crochet...

Juste au dessus-du refuge d'Aubert aperçu précédemment se trouve un autre lac tout aussi agréable, le lac d'Aumar (2193 m d'altitude, 25 ha, 25 m de profondeur), fermé par un cordon de moraines. Beaucoup plus accessible car moins encaissé que les précédents, un sentier permet d'en effectuer le tour en dégageant de superbes panoramas, tels celui-ci...

...Le Massif de Néouvielle se reflétant à la surface du lac d'Aumar constitue un magnifique paysage de carte postale. Le Néouvielle (nom signifiant "vieille neige") est un massif granitique déchiqueté par l'érosion glaciaire et atmosphérique : c'est le sommet de forme trapézoïdale que l'on aperçoit au second plan (3091 m), derrière le cône du Ramoun que nous avions en ligne de mire en remontant les Laquettes...

Le Néouvielle offre un paysage caractéristique du granite ; celui-ci provient d'une intrusion de magma dans les sédiments à la fin de l'ère primaire. Le granite est une roche très résistante, et seules les nombreuses failles qui entaillent le massif représentent des points de faiblesse...

La Réserve du Néouvielle est le secteur pyrénéen français qui compte le plus grand nombre de lacs, plus de 200 ! Toujours en perpétuelle évolution, certains se rebouchent progressivement en raison des végétaux en décomposition qui viennent les combler. Au premier plan, une plante des zones humides caractéristique du milieu montagnard : la linaigrette (surnommée aussi "herbe à coton")...

Les milieux aquatiques de la Réserve du Néouvielle sont réputés pour leur richesse, témoignant ainsi de la grande qualité de son biotope : euprocte (amphibien affectionnant les eaux claires et froides), desman (espèce de musaraigne aquatique au nez en trompette), crapaud accoucheur (restant pendant 20 ans au stade de têtard à cette altitude),...

De nombreux massifs de rhododendrons ferrugineux (le dessous de ses feuilles est couleur rouille) éclaboussent de leurs grappes de fleurs roses le paysage en début d'été. Cet arbuste ne pousse qu'en altitude (on en trouve jusqu'à 3000 m), et essentiellement sur les versants ombragés car la neige persistante protège ses jeunes pousses des gelées tardives...

Les quelques espaces dégagés situés dans ce secteur des lacs sont colonisés l'été par les troupeaux qui y vivent en liberté. Ces estives (pâturages d'altitude pyrénéens) ont été de tous temps occupés pendant la courte période sans neige, illustrant la longue tradition du pastoralisme dans la Vallée d'Aure...

Il existe plusieurs possibilités pour retrouver le point de départ, et la fin de l'après-midi approchant j'ai choisi l'une des plus rapides : la route. Au fil des lacets de nombreuses vues se succèdent : l'incontournable Néouvielle, ou comme ici le chapelet des laquettes que nous avons longées pour monter...

Si l'on élargit le cadre, on retrouve les principaux centres d'intérêt de la balade. Nous sommes dans un secteur particulièrement riche, vous avez pu vous en rendre compte sur ce parcours d'un après-midi, où marcheurs occasionnels et montagnards confirmés peuvent se côtoyer avant de rejoindre chacun leur propre secteur de prédilection...

En perdant de l'altitude, le Lac d'Orédon, point de départ de cette rando, apparaît à nouveau au-delà de la cime des pins. Les crêtes déchiquetées ("arêtes en chenille") montant vers le Pic d'Estaragne ressemblent étrangement à celles qui surmontent les contreforts du Néouvielle qui lui fait face : ce sont les rares secteurs du relief à ne pas avoir été enfouis sous la glace lors des grandes glaciations...

Voilà... Une superbe balade où l'on en prend plein les yeux, dans un magnifique cadre naturel à haute valeur écologique, favorisé par un micro-climat de type méditerranéen : la présence de plantes endémiques (typiquement pyrénéennes) y est remarquable, la vie aquatique et végétale y bat des records d'altitude...

Une randonnée absolument incontournable pour tout estivant fréquentant la Vallée d'Aure...




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