Cette balade dans un lieu mythique des Pyrénées a pour point de départ le Pont d'Espagne. Comment y accéder ? Depuis Tarbes, la préfecture, direction plein sud : Lourdes, Argelès-Gazost, Cauterets...
A partir de cette station thermale réputée, la route s'élève dans une vallée très étroite et tutoie une série de magnifiques cascades qui égayent et rafraîchissent (en été) le parcours.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce pont construit en 1889 ne marque pas la frontière, mais se trouve sur un itinéraire autrefois très fréquenté lors des échanges commerciaux avec notre pays voisin.
Constitué d'une arche unique en plein ceintre de 12 m franchissant une étroite gorge, le tablier du pont se trouve à 18 m au-dessus du Gave. Avec la cascade qui le côtoie, il constitue l'un des sites phares pyrénéens avec 1 million de visiteurs annuels...
Le sentier qui conduit au Lac de Gaube démarre une centaine de mètres en aval du Pont d'Espagne (1496 m). Malgré la présence permanente de neige, il n'est pas nécessaire de chausser les raquettes, les randonneurs du week-end ayant bien damé la piste.
Le départ est assez raide, et s'effectue sur un chemin dallé proposant une série de lacets resserrés serpentant entre les blocs de granit...
Longeant tout d'abord le Gave et ses nombreuses cascatelles, le sentier monte au milieu d'une forêt constituée des deux arbres montagnards typiques de l'étage montagnard : le hêtre et le sapin blanc.
Après avoir franchi rapidement une centaine de mètres de dénivelé, la pente s'amenuise, et le chemin sinue à flanc de montagne. De nombreux lichens tapissent branches ou parois rocheuses, signes d'une bonne qualité de l'air (le contraire serait étonnant en ce lieu !).
Ce jour-là le temps est très variable : après une matinée globalement ensoleillée, quelques flocons sont tombés au moment du repas, et la grisaille domine en ce début d'après-midi. C'est donc parti pour une balade quasiment en noir & blanc !...
Par endroits, le parcours s'effectue à l'intérieur d'une clairière, ce qui laisse apercevoir les sommets environnants, et notamment le seigneur du lieu qui se devine en fond de vallée : le Vignemale !
A mi-parcours, le sentier domine un petit replat au niveau duquel le vallon s'élargit et est occupé par une lagune : nous avons à nos pieds le lac des Huats.
En patois pyrénéen, "Huats" signifie "zone humide et marécageuse".
Nous sommes là en présence d'un ancien lac d'origine glaciaire, qui s'est comblé petit à petit avec des alluvions déposées par le Gave.
En belle saison, c'est un endroit magnifique très apprécié pour sa beauté et sa fraîcheur. Là, en hiver, c'est plutôt un marais enneigé, traversé par le torrent et ses multiples ramifications...
A peine le temps de ranger l'appareil photo et de reprendre la marche, qu'il a fallu remettre délicatement la main à la poche pour ressortir le numérique : un isard traverse le sentier à quelques mètres devant moi !
Il vient justement du lac des Huats situé en contrebas, et termine l'escalade d'un superbe raidillon. En m'apercevant, il n'a montré aucune inquiétude, et, après un regard dans ma direction, a continué tranquillement sa traversée...
... Pour s'arrêter à quelques mètres au-delà du chemin, et commencer à se restaurer autour d'un massif de rhododendrons au pied déneigé d'un sapin.
Le temps de faire quelques clichés, et voilà quatre autres de ses congénères qui remontent du vallon, empruntant la même trace !...
Et sans se préoccuper de moi ni d'un couple de randonneurs qui suivait à distance, voilà le quintette qui s'installe sur une petite plateforme dominant le sentier, à la recherche de petits coins de pelouse déneigés pour grignoter...
Bien évidemment, au moins l'un des individus est en permanence aux aguets afin de vérifier que ces individus envahissant leur territoire n'ont pas d'intention belliqueuse !
L'endroit ayant l'air de leur convenir, cette mini-harde a pris possession des lieux, et la contemplation réciproque animal-humain a duré longuement. Certains étant munis de colliers, j'en ai déduit qu'ils devaient faire l'objet d'un suivi.
Il est temps de laisser nos isards se substanter (mais cela n'allait être qu'un au revoir...) pour accéder au bout d'une heure de trajet environ au fameux Lac de Gaube, objectif de l'après-midi.
Bien évidemment, à 1731 mètres d'altitude, il est entièrement gelé, et sa "buvette-hôtellerie-souvenirs" est fermée.
Le Lac de Gaube est l'un des plus grands lacs naturels des Pyrénées (23 hectares, 40 mètres de profondeur), d'origine glaciaire.
Il fut fréquenté à l'époque (XIXème s.) par les "Romantiques", Victor Hugo et Baudelaire l'ont célébré, et fut également le théâtre d'un drame en 1832 : les époux Pattison, d'origine anglaise, y ont péri à la suite d'une noyade... Accident, crime, suicide ? le doute persiste encore...
Il est incontournable de se rendre le plus à l'est possible sur la rive droite du lac afin d'apercevoir en toile de fond le célèbre Vignemale, qui du haut de ses 3298 mètres est le plus haut sommet français des Pyrénées.
Le Lac de Gaube est en effet sur l'un des itinéraires les plus fréquentés pour accéder à ce sommet ou au refuge des Oulettes implanté à sa base.
Le GR 10 qui relie Atlantique et Méditerranée passe sur la rive gauche du lac, au pied de nombreux couloirs d'avalanche.
Le Gave des Oulettes continue à déposer ses alluvions à l'extrémité du lac creusé il y a quelques dizaines de milliers d'années par le glacier du Vignemale, entraînant ainsi son comblement progressif.
Au moment de quitter le lac et d'emprunter le même itinéraire pour la descente, quelques rayons de soleil viennent éclairer les versants et sortir momentanément le secteur de la grisaille.
Afin de rejoindre le lac, il est possible également d'emprunter un télésiège desservant les modestes pistes de ski alpin du Pont d'Espagne, et de poursuivre à pied pendant un quart d'heure environ sur un large chemin quasi horizontal.
En été, de nombreux sifflements de marmottes accompagnent ce cheminement, fort déconseillé en hiver en raison des risques d'avalanche.
Sur le bord du chemin, les boules de granit enneigées ressemblent avant l'heure à de gros oeufs de Pâques, oeufs à la neige bien sûr !...
En repassant au-dessus du Lac des Huats, revoilà nos isards de tout à l'heure au même emplacement. L'un d'entre eux n'est qu'à deux ou trois mètres du sentier, en train de brouter le dos tourné.
C'est le bruit provoqué par le déclencheur de l'appareil qui l'a alerté de ma présence ! Mais il n'a pas été effarouché pour autant : après un rapide regard dans ma direction, il a repris tranquillement son repas.
Quant à ses amis, ils sont dispersés alentours, tout occupés également à rechercher quelques pans d'herbe à l'air libre. C'est un groupe de randonneurs en raquettes évoluant le long du Gave qui tout à l'heure les a repoussés vers le sentier...
Une belle rencontre pour une agréable petite balade !...
Le lac de Gaube en été, d'après une diapo qui date d'août 1981 :